Paroisses catholiques de Sarcelles

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Mgr Stanislas LALANNE


Homélie de Stanislas Lalanne 1er dimanche de l’Avent 29 novembre 2020

C’est aujourd’hui le premier dimanche de l’Avent, le début d’une nouvelle année. On pourrait d’ailleurs se souhaiter les uns aux autres une bonne année !

Avent ? Un terme qui signifie venue, arrivée, avènement. La venue de Jésus sur la terre n’est pas seulement un fait historique du passé. Notre foi en chacun de nos « credo » nous fait affirmer qu’il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts.

Ce n’est pas une invention de l’Eglise pour faire peur ! C’est une vérité qui se trouve à presque toutes les pages de l’Evangile. C’est ce que les exégètes, les spécialistes de la Bible, appellent la dimension eschatologique qui court tout au long de l’Evangile.

Eschatologique ? Un mot qui peut sembler compliqué ! Le mot eschatologie vient du grec eschatos, c’est-à-dire dernier, et logos, c’est-à-dire discours, science. L’eschatologie, c’est cette branche de la théologie qui étudie la destinée finale de l’homme et du monde.

Cela signifie simplement que le Royaume, inauguré par la mort et la résurrection du Christ, est à la fois déjà présent, ce qui ne veut pas dire entièrement réalisé, et à la fois n’est pas encore advenu totalement. Il s’approche. Et les chrétiens sont appelés à coopérer tant personnellement que collectivement à ce monde nouveau à travers leurs activités quotidiennes.

Alors, aujourd’hui, en quelques lignes courtes, Jésus nous répète quatre fois : « Veillez ». Et même « prenez garde », comme si le risque était grand de ne pas attendre sa venue !

Un Evangile qui finalement nous rappelle le sérieux de notre responsabilité, le sérieux de notre liberté.

Depuis au moins sept dimanches, nous avons entendu ce thème : Dieu qui semble absent de ce monde nous répète qu’il faut être vigilant : soyez toujours prêts car vous ne savez pas quand le Maître reviendra.

Dieu est comme un homme parti en voyage et qui a donné tout pouvoir à ses serviteurs. Ce temps de l’absence est donc le temps de la responsabilité.

Chacun a reçu une charge, chacun a reçu un travail. On peut même penser que ce Maître est parti exprès, pour donner de l’importance à ses serviteurs !

On pourrait dire que notre Dieu est un Dieu sérieux ! Un Dieu qui a vraiment confié tout pouvoir, et donc une responsabilité réelle. Dieu est parti, comme pour ne pas être sans cesse sur notre dos, de manière tatillonne. Il tient à ce que nous soyons libres, sans pression.

« Allez ! Réfléchissez intelligemment ! Décidez ! Je vous fais confiance. La liberté n’est pas un jeu. C’est sérieux. » Dieu ne fait pas comme si nous étions libres, mais en ne tenant pas compte, en fait, de nos décisions.

Ce n’est pas pareil de veiller ou de dormir. Ce n’est pas pareil d’aimer ou de ne pas aimer.

Nous sentons bien que l’Evangile d’aujourd’hui est un avertissement grave. Qu’arrivera-t-il si le travail fixé à chacun n’a pas été fait ? Qu’arrivera-t-il si ceux qui devaient veiller sont trouvés endormis ? Alors, il nous faut répondre à la question : que veut donc dire veiller ?

Chaque nuit, pendant que tous les autres dorment, il y a des gens qui sont éveillés : la mère au chevet de son enfant malade, l’infirmière à l’hôpital, le permanent de la station-service pour les conducteurs obligés de conduire de nuit, l’ouvrier qui fait les trois-huit, les forces de l’ordre, et j’en passe !

Jésus voit son Eglise comme une maison où l’on veille. Vous savez, cette maison aux vitres éclairées quand toutes les autres sont dans le noir : « Prenez garde, veillez ! »

Dimanche dernier, Jésus nous a dit que tous les hommes seront jugés d’abord sur l’amour : nourrir vêtir, loger, visiter… « Ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Voici la base commune du jugement pour tous, croyants ou incroyants.

Mais aujourd’hui, Jésus nous dit que nous, les croyants, ses disciples, nous serons aussi jugés sur un second critère : « Veillez… pour que le Maître, en arrivant à l’improviste, ne vous trouve pas endormis. »

Nous qui avons entendu la voix de Jésus, nous serons aussi responsables de notre réponse de foi, de notre vigilance. Il nous demande non seulement d’aimer mais de veiller.

C’est cette attitude très concrète qui distingue les vrais amis de Jésus de ces « chrétiens à gros grains » que nous sommes parfois. Il y a ceux qui veillent et ceux qui ne veillent pas. Que Jésus soit un inconnu ou un indifférent pour beaucoup, cela ne l’étonne pas.

Il en parlait dimanche dernier comme d’une éventualité fréquente – tous ceux qui aiment leurs frères sans reconnaître le Christ en eux –. Mais à nous, ses amis, il nous dit aujourd’hui de « veiller », c’est-à-dire d’être de ceux qui l’attendent.

- Savez-vous ce que c’est que d’avoir un ami, d’attendre qu’il vienne, et de le voir tarder ?
- Savez-vous ce que c’est que désirer que le temps passe, en attendant la venue de quelqu’un qui vous fait battre le cœur ?
- Savez-vous ce que c’est que d’avoir un ami au loin, d’attendre de ses nouvelles, de vous demander, jour après jour, ce qu’il fait en ce moment, et s’il se porte bien ?

Je crois que veiller dans l’attente du Christ est un sentiment qui ressemble à ceux-là. Ceux qui aiment comprennent cela !

Alors, chacun de nous peut se poser la question :
- quelles vont être mes vigilances d’ici Noël ?
- à quoi vais-je plus particulièrement faire attention ?
- comment répondrai-je à l’invitation de Jésus de « prendre garde », d’être attentif à ses venues ?

Amen.


29/11/2020
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Homélie de Stanislas Lalanne Mercredi 11 novembre 2020

Homélie de Stanislas Lalanne
Mercredi 11 novembre 2020

 


Nous venons de l’entendre, dans l’évangile de ce jour : aux confins de la Galilée et de la Samarie, quelques hommes, le corps rongé par la lèpre, viennent à la rencontre de Celui qui seul peut les guérir : Jésus de Nazareth.

Conformément aux dispositions en vigueur pour les lépreux, ceux-ci restent à distance. Et c'est du bord du chemin qu'ils lui crient leur souffrance : « Jésus, Maître, prends pitié de nous ! »

Jésus, à leur vue, ne fait aucun geste spectaculaire, pas même une imposition des mains mais il leur dit simplement : « Allez vous montrer aux prêtres ! »

La guérison n'est pas encore visible, mais la réponse de Jésus suffit pourtant aux dix hommes qui se mettent aussitôt en route, pour accomplir les rites de purification, prescrits par la loi.

C'est alors que l'un d'entre eux, un étranger, un Samaritain, revient sur ses pas. La rencontre avec Jésus l'a touché au plus profond de lui-même : lui seul reconnaît la main qui l'a guéri.

Et comment ne pas revenir vers celui qui vous a arraché à la mort ?

Comment ne pas laisser monter de son cœur un chant de gratitude et d'allégresse ?

Et ses lèvres alors d'entonner un chant tout vibrant d'action de grâce au Seigneur. Car, ce jour-là, Dieu a fait pour lui, par Jésus, une grande merveille. Et Jésus de lui dire : « Relève-toi et va, ta foi t'a sauvé. »

Cet évangile entre étrangement en résonnance avec un autre récit, un peu plus de quatre siècles plus tard.

Cela se passe un soir d’hiver. Il s’agit d’un catéchumène, c’est-à-dire d’un homme qui demande le baptême. C’est un légionnaire de dix-neuf ans. Il vient de la partie occidentale de l’actuelle Hongrie.

Nous sommes en 334. Il fait très froid. Le jeune militaire hâte le pas de son cheval. Déjà, il aperçoit la fumée qui s’échappe des cheminées de la ville d’Amiens.

Il lui tarde évidemment de trouver un peu de chaleur dans le campement, à l’abri de la brise si âpre.

Au détour d’une ruelle, le légionnaire aperçoit une figure humaine. C’est un pauvre vêtu de guenilles et tremblant de froid.

Son visage est bien visible dans l’obscurité. On devine pourtant que son regard fatigué porte toute la misère humaine.

L’apprenti chrétien, le catéchumène, comprend alors qu’il reçoit en ce miséreux la réponse tant recherchée. Le prochain, c’est lui ! Aussi il n’hésite pas. Saisi par la charité, il retire son manteau, le coupe par le milieu avec son épée et en donne la moitié au pauvre.

Pourquoi la moitié ? Tout simplement, parce qu’à cette époque, les vêtements des militaires appartenaient pour une moitié à l’armée et pour une autre moitié aux hommes qui les portaient. Le catéchumène ne donne que ce qui lui appartient en propre : la charité ne se passe pas de la justice !

Vous l’avez reconnu : il s’agit de saint Martin dont nous célébrons la fête le 11 novembre.

Dans la nuit, le Christ lui apparaît en songe sous les traits du mendiant. Il est revêtu du manteau partagé. Il lui dit : « C’est à moi, Martin, que tu as donné ton manteau ! » Ainsi se vérifiait la phrase de l’Evangile : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits qui sont à moi, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Ce chemin de la foi emprunté par Martin a vraiment été un chemin de renaissance, un chemin de reconnaissance de Dieu et du frère…

Qui est mon frère ? Qui est mon prochain ?

Cette question traverse nos vies. Elle traverse aussi les siècles. Venue directement de l’Evangile, elle nous atteint aujourd’hui de plein fouet. Elle ne s’adresse pas seulement aux personnes, mais aussi aux institutions.

Le 11 novembre, c’est aussi la date de la fête de l’Armistice de la Première guerre mondiale. Nous faisons mémoire du sacrifice de nos ancêtres, morts pour notre pays et pour la liberté.

Cet Armistice de 1918 signe la fin d’une guerre terriblement meurtrière dont nos grands-parents, arrière-grands-parents ou arrière-arrière-grands-parents voulaient qu’elle soit la der des der.

Un Armistice pour ouvrir l’avenir à la paix, à la justice, à l’amour du frère : un chemin de renaissance, comme pour saint Martin.

Saint Martin de Tours, ainsi nommé Martin de la Miséricorde est bien l’une des figures majeures de la manifestation de la charité du Christ pour les pauvres. Il nous livre le témoignage saisissant de l’Evangile en actes en se faisant proche du pauvre.

C’est la raison pour laquelle j’ai choisi la date de sa fête, le 11 novembre, pour publier une exhortation ayant pour titre : « Saisis par la charité ».

La crise sanitaire et sécuritaire que nous connaissons dessine un contexte difficile et angoissant qui renforce l’appel du Christ à mettre la charité au cœur de notre vie pastorale et missionnaire.

Cette exhortation a pour but d’aider les disciples du Christ que nous sommes, quel que soit notre état de vie, que nous soyons fidèles laïcs, consacré(e)s ou ministres ordonnés, à prendre les moyens concrets de replacer la charité au cœur de notre vie personnelle et ecclésiale.

Oui, laissons-nous saisir par la charité du Christ qui s’est livré pour nous. Et que cette charité se fasse inventive, solidaire et fraternelle. Qu’elle soit attentive aux personnes les plus pauvres et les plus fragiles. Amen.


11/11/2020
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HOMÉLIE DU DIMANCHE 8 NOVEMBRE 2020 Par Mgr Stanislas Lalanne, evêque de Pontoise

L’évangile de ce jour se termine par un appel à la vigilance. « Veillez, dit Jésus, car vous ne connaissez ni le jour ni l’heure. »

C’est vrai, nous sommes dans une société où la vigilance est le maître-mot. La vigilance est vue prioritairement comme la prévoyance et la protection face à un danger…

Nous subissons douloureusement ces horribles actes de terrorisme de ces derniers jours, et nous sommes appelés à une grande vigilance. Tout le monde est sur le pont : police, gendarmerie, militaires de l’opération Sentinelle…

Et face à la deuxième vague de la pandémie, on est très attentif à toutes les mesures de précaution, les gestes barrière... Et on est appelé également à la vigilance et astreints au confinement.

C’est bien sûr essentiel de prendre soin des autres et de soi-même ! Et pourtant c’est dans une toute autre direction que nous conduit l’Evangile.

Celui-ci nous demande d’être vigilants, c’est-à-dire attentifs, mais à la venue du Seigneur dans le monde et dans nos vies.

En effet, l’époux qui vient, c’est le Christ, l’époux de son Eglise. Il est celui qui est venu, qui reviendra à la fin des temps – et nul n’en sait ni le jour ni l’heure – mais il est aussi celui qui vient aujourd’hui dans notre vie.

Avouons que nous sommes parfois assoupis, endormis, pris par la vie, affairés à mille choses et nous n’entendons pas le Seigneur venir.
Ou encore, nous n’arrivons pas à croire qu’il est présent, avec parfois un sentiment d’abandon devant son silence !

La vigilance, au contraire, est une attention, une présence, une qualité du regard, de l’écoute et du cœur. C’est d’ailleurs la même vigilance qui peut s’exercer vis-à-vis de Dieu, des autres et de soi-même.

Ainsi, ne pas être vigilant,
- c’est être aveugle sur ce Dieu qui frappe à la porte de notre cœur, parfois de manière imprévue ;
- c’est passer à côté des autres sans vraiment les voir ni être attentif à ce qu’ils souhaitent nous dire ;
- c’est vivre à la surface de soi et ne jamais se retrouver soi-même.

Alors, quel est le secret de la vigilance ? Quel est le secret de cette attitude qui nous permet d’avoir nos lampes allumées pour accueillir l’époux quand il vient, comme ces cinq jeunes filles prévoyantes ?

D’abord, savoir s’arrêter, souffler, échapper au stress, se recueillir au sens premier du terme, c’est-à-dire se ressaisir intimement. Le confinement permet ce recueillement, peut-être plus que le rythme de vie habituel…

Mais, surtout, habiter sa propre vie, garder sa lampe allumée, alimenter sa flamme, veiller à une certaine qualité d’intériorité spirituelle.

Le témoignage que notre Eglise est appelée à rendre au cœur de notre société, c’est que le Seigneur vient au moment où on ne l’attend pas et d’une façon que nous ne pouvons pas prévoir. Comme les vierges sages, notre Eglise attend sa manifestation avec confiance.

Quelle attitude nous est suggérée par cette parabole ? Quelle est la sagesse qui nous donne des réserves d’huile nécessaires pour accueillir le Christ quand il vient ?

La conclusion de la parabole nous en livre la clé : « Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

Il ne s’agit pas seulement de comprendre que, pour chacun, la rencontre définitive est imprévisible et que nous pouvons mourir à tout moment. C’est vrai ! Et cette crise sanitaire nous le rappelle avec force.

Mais il s’agit aussi de comprendre que Dieu vient toujours dans l’histoire des hommes comme à l’improviste.

Alors, sommes-nous attentifs à percevoir sa présence au cœur de l’histoire des hommes, et tout particulièrement tout près de chez nous ?

Tant de chrétiens vivent aujourd’hui comme si le Christ était une histoire ancienne à laquelle nous n’aurions plus accès ! Jésus serait une sorte de sage fondateur aux écrits duquel on se réfère, mais qui reste fixé à jamais dans les profondeurs de l’histoire. Tant de chrétiens n’attendent plus rien de sa venue, ni à la fin des temps, ni aujourd’hui !

Chers amis, nous sommes envoyés pour porter ce témoignage d’espérance au cœur des incertitudes et des angoisses de nos proches.

Nous croyons que Jésus est vivant aujourd’hui, que chaque fois que nous nous réunissons en son nom, il est au milieu de nous.

Nous croyons qu’il parle au nom de son Père et que sa Parole est lumière pour conduire nos existences.

Nous croyons que les événements que nous vivons sont le terreau où il manifeste sa présence et où il nous appelle à le rencontrer.

Nous croyons que nous pouvons apporter le témoignage de sa présence en ce monde par notre manière de vivre notre existence humaine.

Nous proclamons qu’il est vivant quand la charité nous fait sortir de notre tranquillité pour nous mettre au service des plus pauvres.

Dans ces temps où beaucoup se laissent saisir par la panique et l’angoisse en voyant s’écrouler un univers de sécurité, notre manière de nous tenir prêts à reconnaître l’Epoux qui vient, c’est notre sérénité et notre engagement au service de tous.

Finalement, cet Evangile nous pousse à être :
- une Eglise vigilante à se garder contre toute logique d’enfermement,
- une Eglise ouverte aux questions que posent notre temps et notre monde, sans en avoir peur,
- une Eglise qui témoigne de l’Evangile au-delà du cercle des convaincus,
- une Eglise qui trouve sa vérité non pas dans ce qu’elle possède mais dans ce qu’elle donne,

Que Dieu fasse fructifier tout ce qu’il a répandu en vous. Qu’il fasse fructifier la parole reçue du Christ.

Alors, je vous lance un appel : que l’Evangile soit vraiment une bonne nouvelle qui enthousiasme et transforme sans cesse votre existence. Amen.

+ Stanislas LALANNE
Evêque de Pontoise


08/11/2020
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Homélie de Stanislas Lalanne pour le 7e dimanche de Pâques 24 mai 2020

 

Chers amis, à quelques heures de sa passion, dans une longue prière adressée à son Père, Jésus récapitule l’ensemble de sa vie. Comme s’il en faisait la relecture !

Il exprime ce qui a constitué le ressort profond et permanent de sa vie donné, de sa vie livrée : l’accomplissement de l’œuvre du Père.

Après l’écoute de cet évangile, je souhaite évoquer avec vous un mot, souvent mal compris, et une expression prononcés par Jésus dès sa première phrase :

• le mot « gloire »,
• l’expression « la vie éternelle ».

D’abord le mot gloire. C’est le dernier soir de Jésus, quelques heures donc avant sa mort sur la croix des criminels. Et il prie : « Père, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie. »

Surprenante gloire de Dieu ! En hébreu, la gloire, c’est le poids. Poids d’une vie qui tient face aux puissances de mort et de vanité.

C’est sur le visage de l’homme que resplendit la gloire de Dieu. On pourrait parler du visage humain, ce côté pile de la face de Dieu…

A Lyon, saint Irénée le proclamait déjà vers l’an 200. Ecoutez-le : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est de voir Dieu. » Magnifique ! L’homme vivant, libre de voir Dieu et de l’aimer en tout frère humain.

Au cœur de nos détresses, Dieu offre la gloire de sa vie pour nous rendre vivants et pour qu’à notre tour nous fassions vivre les autres.

Vivre, c’est mystérieusement traverser la souffrance. Non pas la rechercher, mais l’affronter, car les pouvoirs de mort attaquent jalousement la vie que Dieu donne.

Au rejeté et au méprisé, au malade et au pécheur, Jésus redonne son poids de vie et d’éternité, lui faisant partager sa palme de mort et de résurrection.

La gloire de Dieu, c’est son poids d’amour qui nous fait vivre ! Les anges de Noël nous le rappellent : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »

Evoquons maintenant « la vie éternelle ». A vrai dire, on n’en parle pas beaucoup. C’est une expression qui revient souvent dans la catéchèse, la prédication…

Frères et sœurs, vous qui m’écoutez, êtes-vous déjà entrés dans la vie éternelle ? Vous allez probablement me répondre que non, en pensant que, sinon, vous ne seriez pas là à m’écouter !

Et pourtant ! Ecoutez la définition qu’en donne Jésus : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. »

Apprendre à connaître Dieu et le Christ, c’est la démarche de la foi, un chemin toujours à parcourir. Si la vie éternelle, c’est connaître Dieu, alors serions-nous déjà tous entrés dans la vie éternelle ?

La tradition chrétienne évoque le baptême comme « le bain de la nouvelle naissance », l’entrée dans une vie nouvelle. C’est ce à quoi vous aspirez, vous les catéchumènes qui m’écoutez. Bientôt vous serez plongés dans ce bain de la nouvelle naissance. Je m’en réjouis tellement avec vous.

Une nouvelle naissance qui, déjà, nous fait goûter la joie de la vie éternelle, même si nous n’y entrons pas encore pleinement.

A toutes les époques, dans toutes les traditions religieuses, l’être humain est habité par ce désir d’éternité, qu’il recherche profondément et dont il aimerait comprendre le sens.

Pour les chrétiens, la joie de la vie éternelle, c’est de connaître le Christ qui nous donne à voir le Père. Et c’est une connaissance relationnelle, pas une connaissance théorique.

On ne connaît vraiment les gens que quand on passe du temps avec eux, quand on apprend à découvrir petit à petit leur caractère, ce qui les rend joyeux et ce qui les attriste. Je dirais même que c’est en aimant les gens qu’on les connaît le mieux, parce qu’on apprend à découvrir ce qui habite leur cœur.

La vie éternelle, c’est la relation à Dieu, une relation aimante, où on apprend à le connaître.

Quand deux amoureux se regardent les yeux dans les yeux, ils ont l’impression de sonder l’autre au plus profond. Et le temps s’arrête pour eux, rien n’existe plus autour d’eux.

Petit avant-goût de ce que doit être la vie éternelle ! La tradition biblique dit d’ailleurs qu’un jour, nous verrons Dieu face à face.

La vie éternelle est déjà née en nous, mais elle est encore comme une petite flamme fragile, qui risque de s’éteindre. Elle peut rester en nous comme une petite flamme vacillante, une vague lueur… Mais elle peut aussi devenir en nous « comme un feu dévorant ».

A nous d’entretenir cette flamme. Comment ? Il s’agit d’une relation, d’une amitié avec Dieu à faire grandir : tout ce qui nourrit notre intimité avec Dieu fait grandir cette flamme.

Je trouve très forte et très belle cette intimité avec le Père qui se ressent dans tous les mots de la prière du Christ : « Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie… Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi. » Jésus est celui qui connaît vraiment le Père parce qu’il vit pleinement de son amour.

« L’heure est venue », dit Jésus. L’heure de connaître Dieu. Trop souvent, nous croyons que cette heure sera celle de notre mort. Mais non ! La vie éternelle est déjà commencée.

L’heure est venue. Et c’est maintenant, d’accueillir ce que Jésus nous partage : « J’ai manifesté ton nom aux hommes, […] je leur ai donné les paroles que tu m’avais données », dit-il dans sa prière à son Père.

Oui, Jésus nous fait connaître Dieu, « le seul vrai Dieu ».

Notre monde nous propose tant d’idoles qui se nourrissent de l’argent, du désir de consommer ou de s’échapper, tant de fausses images de Dieu véhiculées par la haine et les fondamentalismes.

Ne nous laissons pas leurrer ! L’heure est venue de connaître le vrai Dieu. Et cette heure a déjà pour nous un goût d’éternité, car elle se nourrit de la relation d’amitié avec Dieu. Amen !


24/05/2020
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Homélie de Stanislas Lalanne pour la fête de l’Ascension Jeudi 21 mai 2020

 

Si des journalistes avaient à parler de l'actualité de l’évangile de ce jour, leurs manières de traiter l'information seraient sans aucun doute bien différentes les unes des autres.

• Pour certains, le « scoop » du jour serait la disparition de Jésus élevé vers le ciel. 
• Pour d'autres, le « scoop » du jour serait la fin des apparitions du Ressuscité et la solitude à laquelle les disciples de Jésus sont, cette fois, définitivement livrés. 
• Pour d'autres encore, le « scoop » du jour serait, non pas le message de l’Evangile mais l'acte de refermer l’Evangile sur cette dernière page.

Chers amis, les manières de comprendre, de traiter, d'entendre l'actualité sont diverses et variées. Ainsi en est-il aussi de la Bonne Nouvelle !

Chaque jour, nous nous mettons à l'écoute de l'actualité du monde dans lequel nous vivons. Et ces dernières semaines, avec anxiété, voire angoisse.

Et ce qui se passe, ce qui se vit, aux quatre coins du monde nous arrive de plus en plus rapidement jusqu'au cœur même de notre intimité. L'actualité nous est livrée par la presse, la télévision, les réseaux sociaux, les échanges que nous avons avec des voisins et des amis.

Et, quoi qu'il en soit de l'actualité du monde, nous ne pourrons jamais nous résoudre à accepter sereinement tant de décès du covid, tant de guerres, de souffrances et violences inutiles.

L'actualité nous promène inlassablement entre deux berges : celle d'hier et celle de demain, entre passé et avenir. S'il nous est assez facile d'apprécier le passé parce que précisément il est derrière nous, il nous est bien plus difficile de maîtriser l'avenir et même parfois de l'accepter tel qu'il se propose à nous.

Oui, l'avenir bien souvent nous inquiète, marqués par tant d’incertitudes. Et sans doute l'avenir inquiète aussi les disciples :

• De quoi demain sera-t-il fait ? 
• Pourrons-nous tenir ? 
• Quelle sera notre liberté ? 
• Saurons-nous nous aimer toute une vie ? 
• Serons-nous fidèles à sa Parole, à son message ?

Entre passé et avenir, le présent nous ouvre les bras, avec la tentation de tourner le dos au passé et de fermer les yeux à l'avenir, avec le risque de se laisser accaparer par le présent et de ne voir plus que lui.

Mais nous le savons, le présent a besoin du passé pour s'écrire. Il nous faut lire et relire les jours et les heures du passé pour en puiser la force de vivre le présent et pour oser rêver, inventer le futur.

L'Ascension de Jésus est donnée aux disciples comme un ultime rendez-vous. Un rendez-vous pour lire et relire le passé avant de plonger dans le futur, dans cette actualité du départ qui s'impose aux disciples.

Répondant à leurs questions, le Ressuscité du matin de Pâques leur déclare : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Pour les disciples, l'actualité du moment n'est plus à la peur devant les apparitions du Ressuscité. Elle n'est pas à la contemplation du Ressuscité.

L'actualité n'est pas non plus à la tentation de poursuivre la relation avec Jésus comme avant, comme s'il n'y avait jamais eu la croix, la mort, le tombeau vide, la résurrection… Comme si tous ces événements avaient été une parenthèse.

D'une certaine manière, l'actualité de l'Ascension de Jésus, pour les disciples comme pour nous aujourd'hui, c'est le « scoop » du livre qui se referme.

Le livre est fermé. Dorénavant il va falloir écrire un autre livre, remplir de nouvelles pages. Pour nous aussi !

Chacun est soudain renvoyé à lui-même, à ses choix, à sa liberté, à son avenir. Chacun est renvoyé à l'acte de foi qu'il lui faut poser pour oser le départ auquel le Ressuscité appelle.

Un tel acte de foi ne pourra se poser que dans l'accueil de la Bonne Nouvelle, dans la relecture d'une vie, dans la prière. Un peu à la manière des disciples qui, dans l'attente de l'Esprit et avant la grande dispersion de l'envoi en mission, se réunissent avec Marie et d'autres frères et sœurs de leur groupe pour prier.

Pour les disciples et pour nous-mêmes aussi, l'avenir est devant. Et l'avenir repose sur la mémoire. Non pas la mémoire de pieux souvenirs, mais la mémoire vivante d'une actualité qui demeure et se fait chaque jour plus brûlante : « Faites cela en mémoire de moi ! »

Oui, l'Ascension actualise encore davantage cette parole de Jésus. 

• Dorénavant, c'est notre propre vie qui doit se faire don, à la manière du Christ. 
• Dorénavant, c'est notre propre existence qui doit se livrer aux flammes de l'Esprit. 
• Dorénavant, nous sommes envoyés de par le monde pour être témoins de la Bonne Nouvelle.

La fête de l'Ascension nous rend libres de risquer un acte de foi qui fait de nous des témoins, des hommes et des femmes responsables de la Bonne Nouvelle.

Etonnant départ du Ressuscité, qui fonde le départ en mission des disciples ! Dans son départ, dans son absence, Jésus est déjà présent à tous les carrefours du monde, à tous les carrefours de nos vies.

Par l’Ascension, Jésus échappe aux disciples, il nous échappe. En fait, il échappe à nos saisies possessives, égoïstes ou utilitaires. S’il nous échappe, c’est pour nous obliger à croire en son nouveau mode de présence.

L’Ascension nous découvre le sens profond de l’eucharistie à laquelle vous aspirez tellement de pouvoir participer ! 

• Jésus n’est plus seulement notre compagnon de route puisqu’il est notre force pour marcher.
• Jésus n’a plus seulement à être vu puisqu’il est notre regard. 
• Jésus n’a plus à être seulement notre présence aimante à nos côtés puisqu’il est devenu notre force d’aimer.

Jésus monté aux cieux nous plante réellement en terre puisque nous sommes, désormais, sa présence auprès de tous les hommes.

Des hommes qu’il veut pouvoir, par nous, continuer sans cesse à rencontrer, à aimer, à sauver.

Nous sommes appelés à être, au cœur de ce monde, des témoins joyeux, comme les premiers apôtres, de sa résurrection.

Bonne fête de l’Ascension ! Amen.


21/05/2020
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